Etre Romain

MEDITERRANEUM I
Etre romain ?

Mediterraneum est une association italienne, mais pourquoi ce nom est admis sans véritable discussion alors qu’il est évocateur du passé et de la romanité. Pourquoi cette référence romaine, alors qu’aujourd’hui, lorsque l’on parle de renforcer les liens en Méditerranée, on parle de relation entre l’Europe et un monde arabophone, qui n’existait pas sur les rives sud à l’époque romaine. D’autres ont nommé leur association, « horizon méditerranée ». Pourquoi MEDITERRANEUM ? est-ce la nostalgie :

  • d’une méditerranée d’avant l’invasion arabe, ou les barbares étaient les peuples venus du nord et non ceux du pourtour méditerranéen
  • ou l’évocation d’un âge d’or de la puissance, de Rome, seule capable de fédérer tous les peuples riverains, avec son corolaire, la Pax Romana (qui certes n’était qu’une paix intérieure)
  • ou par extension l’évocation d’un certain art de vivre à la romaine, alors qu’on vit une crise profonde, sanitaire mais aussi identitaire, et l’on rêve d’un retour à une vie plus insouciante, la dolce vita
    • ou bien, simplement parce que ROME est à l’origine de L’Europe, et qu’« ETRE EUROPEEN », c’est au fond « ETRE ROMAIN » !

Nous avons le même regard nostalgique sur la Rome antique, que les immigrés d’Afrique ou du Moyen Orient, qui voient aujourd’hui l’Europe comme un eldorado, pour sa richesse économique, la paix et la liberté anomique, avec en plus une certaine forme d’angélisme ou de naïveté, avec ses institutions démocratiques, ses valeurs humanistes, sa tradition d’accueil, alors que la majorité des populations vie encore sous la tyrannie et dans la misère.
Nous avons l’habitude de dire que l’Europe doit à Athènes, la philosophie grecque, et à Jérusalem, le christianisme issu du judaïsme, et rien à ces frustes romains qui n’ont fait que transmettre la culture hellénique et le christianisme.

Horace disait : « la Grèce défaite captiva son farouche vainqueur et introduisit les arts, dans le rustre Latium ».

On voit Rome comme une civilisation de conquérants, une puissance militaire, des bâtisseurs. Les légions étaient toujours accompagnées par des armadas d’artisans.
Mais Rome, c’est aussi une civilisation de juristes et d’architecte, le droit romain à la base de notre droit, qui organise notamment la famille (le pater familias) et la propriété privée, et l’architecture issue des Etrusques.

Rome a cette particularité d’image de puissance qui exalte la fierté, ce qui fait du bien à une époque ou le sport favori est le dénigrement de soi, sans aller jusqu’à exalter les faits de guerre, on comprend que cette puissance était surtout une force de transmission de culture empreintée aux vaincus.

Rome a en effet été civilisé par les vaincus, les Grecs, après le sac de Corinthe en 146 avant JC, juste après avoir réglé son compte à Carthage au printemps, les romains qui n’étaient pas des tendres, ont détruits Corinthe l’été de la même année. Ils en ferons un exemple, sur ordre du sénat de la République ; ils tueront tous les hommes ; les femmes et les enfants seront vendus comme esclave, et la ville rasée et couverte de sel pour que rien ne puisse repousser. Plus tard, Jules César reconstruira la ville en en faisant une « colonia » seulement en 46 après JC presque deux siècles plus tard.

Rome s’est donc laissée pénétrée par la culture Grecque a tel point qu’à partir du II ème siècle, l’empereur Marc Aurel, grand stoïcien, parle grec et écrit ses « pensées à moi- même » en Grec. Puis, lors de la séparation de l’empire d’occident et d’orient, Byzance, qui durera encore 1000 ans, ne fût rien d’autre qu’un empire romain grec, symbole de richesse et de raffinement.

Sur le plan religieux, la mythologie romaine a également été enrichie par tous les dieux exogènes, pourquoi se priver d’une protection divine supplémentaire. C’est un des avantages du polythéisme. Le Mithraïsme que nous avons étudié dans les origines du REAA, a été par exemple importé de Perse par les légions romaines.

L’Europe est d’ailleurs au départ un nom oriental, phénicien, utilisé par les marins de Tyr pour désigner l’Ouest, comme le mot Maghreb, région ou le soleil se couche. L’Europe représentait le territoire au nord dont on pouvait faire le tour en bateau.

On peut rétorquer que les grecs eux mêmes ont empreinté aux égyptiens, aux mésopotamiens et aux phéniciens, mais être ROMAIN, ce n’est pas seulement empreinté ce qui est bon et rejeter ce qui l’est moins, c’est avoir en amont un classicisme à imiter et en aval une barbarie à soumettre, avec deux matrices, l’antiquité gréco-latine et le moyen orient biblique.

La culture romaine est une synthèse, une voie, ou mieux, un aqueduc, image qu’utilise Remi Brague, qui évoque une dénivellation en pente douce, avec une source supérieure classique (grec et juive, Athènes et Jérusalem) et un débit lent à pente douce, donnant du temps au temps, irrigant un terreau rustre voir barbare d’ou doit germer une culture secondaire, et de façon sous jacente le sentiment de devoir apporter ces connaissances aux autres populations, une mission civilisatrice que l’on retrouve particulièrement dans l’esprit français et que l’on a léguer aux américains.

On voit donc dans la romanité, l’essence de la culture européenne, qui passe par l’autre, entre hellénisme et barbarie, la culture n’étant jamais innée mais acquise.

L’élite européenne était d’ailleurs sélectionnée sur la capacité à acquérir les langues grecque et latine. Le lycée classique était le plus prestigieux. On retrouve cette dualité de force brute et de culture, dans l’imaginaire collectif à l’évocation de l’empereur, CharlesMagne, grand guerrier unificateur mais illettré. La mythologie européenne en a pourtant fait le père de l’Europe et de l’Ecole. Il était insomniaque et il essayait désespérément le soir de tracer des lettres sur des tablettes. Il n’a jamais réussi à maitriser l’écriture ni la lecture.

A l’opposé, en chine par exemple, la culture est intrinsèque, sans empreint et sans aucune prétention de transmission. Les partenaires commerciaux de la chine, notamment africains, savent que la chine ne fait aucun transfert de compétences.
La culture chinoise se suffit à elle même, il est d’ailleurs significatif que lorsque l’on arrive à un certain degrés d’élévation, d’autonomie, et de pouvoir personnel dans les universités française, on parle de Mandarins.

L’Europe est donc caractérisée par son ouverture, et par la force des choses, par son hétérogénéité sources de tensions nécessaires, pour obtenir, in fine, l’harmonie ! Certains la décrivent comme un contenant, ouvert sur l’universel, ce qui a fait son succès.

Le monde a d’ailleurs été définitivement marqué par l’expansion européenne, par la civilisation industrielle et libérale européenne, ce que l’on nomme l’occident qui s’étend des Amériques au Japon, qui a conquit d’abord le nouveau monde pour s’étendre à toute la planète.

Mais L’Europe souffre malgré tout, de ne pas avoir une politique digne de sa culture qui laisse trop de place au doute, au sens critique, voir à la négation de tout trait identitaire, pour s’ouvrir à l’universel. C’est à dire d’une gestion de son image et une évolution de sa structure pour identifier de façon positive son identité, ses défauts apparents qui en sont les véritables qualités.

Comme les romains, les européens ont hérité d’un savoir qu’ils n’ont pas produit et qui les a rendus humbles, mais désireux de s’élever à la hauteur du prestige grec. Cette impulsion les a incités à conserver les textes anciens, pour les admirer, mais surtout pour les redécouvrir en permanence. De là, les nombreuses Renaissances (carolingiennes, médiévales au XII-XIIIème siècle, les humanistes, les Lumières, la Maçonnerie, c’est le travail que nous avons fait sur les sources du REAA etc…).
Deux pièges sont cependant à éviter :
Le premier tragique, c’est que des européens à certains moments de l’histoire, sont devenus des grecs. En somme, ils ont fini par croire en la supériorité absolue de leur culture, ce qui a conduit le peuple le plus éduqué d’Europe, à la pire des barbaries, le nazisme.
Depuis la deuxième guerre mondiale, les deux premiers couplets de l’hymne allemand, composé en 1841 par l’écrivain Hoffmann von Fallersleben. glorifiant une Allemagne « par-dessus tout au monde » (« Deutschland über alles »), sans être interdit, n’est plus chanté, sauf par les militants d’extrême droite. Car il a été utilisé par les Nazis notamment pour porter leur ambition de domination de l’Europe.
Mussolini a essayé d’imiter l’Allemagne en proclamant la supériorité de la race italienne avant de coloniser l’Ethiopie et l’Abyssinie. C’est moins ambitieux et plus tragi-comique, à l’Italienne.

Le deuxième piège, c’est de rester figé sur les conceptions des humanistes du 16eme siècle

  • qui se sont inventés un passé rejetant tout ce qui est supposé n’être ni gréco-romain ni chrétien, faisant fi de la naissance de la troisième religion monothéiste abrahamique au VII siècle.
  • d’effacer les influences babyloniennes, mésopotamienne, chaldéenne, égyptiennes, qui ont irrigués la Grèce, la pluralité de l’empire romain et d’éliminer toutes les sources orientales judéo-musulmane.

Le concept Euro-Méditerranéen, sur les bases de la romanité, faisant la synthèse de l’Europe et du pourtour méditerranéen, est ce qui manque aujourd’hui à l’Europe pour être opératif dans l’avenir.
De même que l’on ne conçoit pas la France sans la cote d’Azur, on ne peut concevoir l’Europe sans la Méditerranée (rive sud et moyen orient).
La GLEM porte cet idéal d’équilibre entre la résistance à la météquisation par la juste mémoire (la tradition) et l’ouverture à l’autre, dans un monde ouvert sans entrave à la circulation des idées (la modernité) qui représente la survie de notre identité tout en évitant un repli sur soi, que l’on comprend comme une mort programmée. La pression démographique et migratoire pose aujourd’hui le problème de l’islam qui doit s’adapter à l’Europe, se réformer, se dépolitiser, s’occidentaliser s’il veut s’assimiler.
Sur le plan laïc, cet équilibre culturel a déjà été réalisé dans le passé par le monde romain à son apogée. Au temps de l’édit de Caracalla donnant la citoyenneté à l’ensemble des peuples de l’empire mais à une condition « A Rome fait comme les Romains ». Sur le plan religieux, la question est de savoir si l’Europe a la capacité d’imposer un concordat, comme Napoléon l’a imposé en France aux catholiques et aux juifs, et si les mouvements réformistes humanistes musulmans qui existent depuis le 19ème siècle prendront in fine le dessus.

Il convient donc d’envisager le « choc des civilisations » avec un peu d’Humilité, un peu plus d’Humanité et d’Universalisme, mais nous devons rester des romains, prendre ce qui est bon et rejeter de notre sol les éléments culturels qui tendent à saper notre identité classique et biblique.

La méditerranée est une matrice et nous a montré tout au long de son histoire tumultueuse son action civilisatrice et l’on peut espérer et œuvrer pour qu’elle parvienne à concilier les deux rives, nord et sud, l’orient et l’occident, qui est le défi majeur des prochaines décennies. Le défi de la différence.

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