Etre Grec

ETRE GREC

Après la planche « être romain », il m’est apparu indispensable de définir à son tour l’homme grec, qui est lui aussi victime de la culture « Woke » c.a.d de la « Cancel culture ». La prestigieuse université de Princeton aux USA a renoncé à l’étude du grec pour l’entrée dans les études classiques : trop d’étudiant afro-américains ou latinos n’ont pas la possibilité de l’apprentissage des langues classiques et sont plus préoccupés à la critique de la Grèce Antique à cause de l’esclavage, l’exclusion des femmes, le refus de l’étranger, son impérialisme et sa violence.

Mais qui est vraiment l’homme grec ?

Les grecs ont constaté que les dieux ressemblaient décidément trop aux hommes pour être crédibles et ils se sont mis à décrypter la nature et à essayer d’en comprendre les lois, produisant les grands penseurs Socrate, Platon et Aristote, Protagoras le premier humaniste et de grands savants. Mais l’homme grec est -il cet esprit sage, amateur de système philosophiques ou au contraire est-ce un conquérant, fan de compétition d’où son obsession pour la culture physique et la gagne. Le regard est différent en fonction de l’époque et notre vision du grec vient aussi du regard de Rome. Les Romains ont surtout été sensible aux arts et à la philosophie en accordant leur faveur aux épicuriens puis aux stoïciens. Le moyen âge et la renaissance florentine, redécouvrira ensuite la Grèce Blanche et Platon.

Une chose est sure, plus qu’un territoire, c’est la culture qui fait le grec, ses mythes et bien sur sa langue. Etre grec, s’est se nourrir de mythologie, chantée par les poètes tel Homère a qui l’ont attribue l’Iliade et l’Odyssée, dans la langue grecque. Homère est le premier à utiliser le terme « barbare » pour désigner celui qui ne parlait pas grec. Etre grec, c’est aussi accorder un place fondamental au corps (notion reprise par les romains « corpo sano, in mente sana » pour muscler les guerriers, à l’éducation qui forme le citoyen, à la compétition intellectuelle ou physique (les jeux olympiques), et à la beauté qui rapproche des dieux.
Tous les grecs n’étaient pas des philosophes mais tous valorisaient la parole, le Logos si utile dans le débat public.
Une éducation réussie et complète est une formation du corps et de l’esprit ou l’art oratoire, en tant que miroir de l’âme tient une place de choix. La parole dirige toutes nos actions et notre pensée.
Pour le grec, l’essentiel, c’est de gagner qu’elle que soit la discipline, gymnique, musicale, poétique.. et les concours de toute sorte font partie des fêtes religieuses. Pour les sophistes, le but n’est pas la recherche de la vérité dans le discours, mais de gagner même avec de mauvais arguments. La révolte des Macabées au II siècle AJC dont parle l’ancien testament, a été déclenché par l’autorisation du roi Antiochos IV d’établir un gymnase à Jérusalem. Ce goût de la compétition vient probablement de l’organisation très émiettée de la Grèce faite de petite cités composées de quelques dizaines de famille dominantes loin d’un état souverain centralisé et tout puissant.

Pour gagner, la Mètis (arme de la ruse) est centrale, notion indispensable pour qui veut comprendre l’esprit grec qui est incarné par Ulysse avec son cheval de Troie qui a permis de mettre fin à 10 ans de siège.
Pour le grec, pas de vie démocratique sans parole, ce qui fait des sophistes qui enseigne la rhétorique et l’éloquence, les acteurs majeurs de la cité. Pas de Polis, de cité sans l’art de persuader ou plutôt, sans l’art de penser les moyens de la persuasion.

Athènes a connu l’apogée de sa démocratie avec Périclès au Vème siècle AJC. Demos, le peuple et Kratos, le pouvoir. Avant la guerre du Péloponnèse entre Athènes et Spartes, Périclès qui avait repoussé les perses en fédérant les cités grecques dans la confédération de Delos, a fait construire le temple de l’Acropole qui marque l’âge d’or d’Athènes. Mais même en ce temps la, la cité grecque n’est pas une démocratie modèle. Elle fonctionne à coup d’exclusion : seule une poignée de citoyens concentrait le pouvoir (environ 3000) contre le reste du monde, esclaves, métis, étrangers et barbares. Il y avait le domaine du commun et du public, la Politéia à la différence de l’Idios, (qui a donné l’idiot) qui représente le privé et l’intérêt particulier. Les femmes et les métèques étaient eux confinés au coté des enfants et des animaux, hors du politique.
Qu’elles soient gouvernées par le peuple (Athènes) ou par des rois (Spartes), les cités grecques excluent les femmes de la politique. Les épouses, les sœurs, les mères sont exclues du pouvoir et confinées à la vie domestique et religieuse. Car la démocratie grecque émane de l’infanterie faite d’une classe moyenne, de propriétaires terriens, dont la richesse permet aux hommes, les Andres, d’acheter des armes. Ces hommes sont dotés d’un corps, d’un caractère, d’une vertu appelée Andreia, la virilité. Il rage de gagner, ils ont le gout du commandement, ils savent prendre des risques et se battre. Tout comme dans l’arène politique, les citoyens s’affrontent dans des joutes oratoires. Les femmes sont elles considérées comme lâches, molles, inconstantes, soumises et impuissantes.
Le grec, c’est aussi une langue qui a civilisé les romains. « Le sort est jeté » « toi aussi mon fils » » 2 phrases célèbres de César, la première en franchissant le Rubicon, lorsqu’il décide de déclencher la guerre civile contre Pompée et la deuxième, lorsqu’il reconnaît, au premier rang de l’assemblée du sénat, ses assassins, dont son fils adoptif Brutus. Ces phrases ont été prononcées en Grec (en 49 AJC). Deux siècles plus tard, l’empereur Marc Aurel écrivait encore ses pensées à moi-même en grec. En fait, la Méditerranée a toujours été partagé entre orient grec et occident latin. Mais la langue aristocratique des romains était le grec, leur nourrice et précepteur étaient grecs.
La langue primitive du christianisme était le grec y compris à Rome jusqu’au 8ème siècle. La septante est la traduction en grec de la bible hébraïque et les évangiles sont en grec. En fait il y avait la langue de la culture, le grec, et la langue du droit et du commerce, le latin.
Mais, c’est Rome qui crée le classicisme grec. C’est Auguste qui décide d’apprendre et d’enseigner la langue des orateurs du IV siècle AJC comme Démosthène. Les jardins romains se peuplent alors de copies de statues grecques. C’est un choix politique et esthétique fait par Auguste contre Marc Antoine, son rival, l’amant de Cléopâtre, qui préférait l’art hellénistique. C’est Rome qui a permis de conserver, de copier, d’imiter. C’est Rome qui a voulu des nus, en exaltant la beauté du corps, alors que les statues grecques étaient toutes habillées, sauf la statue d’Aphrodite sortant de l’océan. Toutes les autres cultures antiques qui n’ont pas intéressé les romains ont disparu (Egyptienne, Mésopotamiennes) y compris Sparte.
La Grèce, c’est aussi ses savants : Hippocrate, Eratosthène, Euclide et Archimède qui ont posé les bases de la Médecine, de l’Astronomie, des mathématiques, et de la physique des fluides.
Et pourtant, les critiques aujourd’hui sont féroces, taxant cette antiquité d’esclavagiste et de raciste.
Dans tout le monde antique, les cités ne pouvaient fonctionner sans l’esclavage. Pour que certains s’adonnent à la gymnastique et à la rhétorique d’autres doivent réaliser les tâches ingrates. A Athènes, Il y avait au moins 50% d’esclaves dont une grande partie étaient grecs eux-mêmes. Dans les familles romaines, une grande partie des précepteurs étaient des esclaves grecs. En Grèce, une partie de l’administration était faite par les esclaves. Esope l’auteur des fables était esclave…la grande majorité était bien sûr dans des conditions lamentables comme les employés dans les mines, mais comme aussi le reste du monde.
Quant aux femmes esclaves, elles avaient une fonction sexuelle. La prostitution était tout à fait légale et les maisons closes étaient administrées par les magistrats. Il y avait une échelle sociale dans la prostitution. La plus célèbre des courtisanes, des Héthaïres, est Aspasie, la maitresse de Périclès.
Aristote qui justifiait que les femmes soient interdites de politique et de bibliothèque,
avait déjà malgré tout, réfléchit a une société sans esclaves, remplacés par des machines qu’il appelle des automates. Le statut gréco-romain de l’esclave inspire d’ailleurs aujourd’hui les juristes pour tenter de définir le statut juridique et la responsabilité des robots.
Pour ce qui est de la pédérastie grecque, elle est bien éloignée de l’homosexualité. Dans l’antiquité, tant que les caractères sexuels secondaires n’apparaissent pas, le jeune, fille ou garçon, est considéré comme asexué. La relation va du plaisir intellectuel à la séduction érotique, qui n’est qu’une initiation à la masculinité. Dans un cadre guerrier, il existe un lien entre courage à la guerre et relation érotique, une émulation entre éromène (adolescent aimé de 12-18 ans) et éraste (adulte, aimant), l’éromène cherche à montrer leur Andreia, mélange de courage et de qualités viriles. Vers 18-20 ans à l’entrée dans l’éphébie, quand les jeunes pouvaient participer à la guerre, on ne pouvait plus être un éromène sous peine d’être frappé d’indignité civique et il était honteux pour un homme d’âge mur de jouer les érastes.

Concernant la relation avec l’étranger, l’hospitalité grecque a un début et une fin. C’est un état transitoire. La Xenia suppose une distance entre l’hôte qui accueille et l’hôte qui est accueilli. Ce n’est pas une qualité morale mais une pratique qui rend le voyage possible. Il n’y avait aucune vocation à intégrer l’étranger.

La Grèce n’est plus un modèle pour certains, comme une spécialiste du théâtre grec, qui n’est autre que Anna Zuckerberg (la sœur de Mark, facebook) pour qui les humanités classiques sont un terreau de misogynie et de racisme servant la cause des suprématistes blancs et masculins. Il faut dire que dans le théâtre grec, qu’il s’agisse de tragédie ou de comédie, les femmes étaient interdites de scène. Elles avaient quand même, le droit de voir les pièces, à l’écart des hommes. Pour Anna Zuckerberg, le sexisme prend racine dans l’antiquité.
C’est oublier que le monde à l’époque sous toutes les latitudes fonctionnait avec les mêmes pratiques. Même si cela ne concernait qu’un petit nombre d’individu, c’est oublier que les grecs ont été les premiers à envisager la notion d’égalité des citoyens devant la loi et les principes de liberté, en dehors de toute soumission à un roi ou a un dieu.

%d blogueurs aiment cette page :
search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close